La première période de
six mois de la formation initiale des avocats débute par des cours
afin d'acquérir les fondamentaux de l'exercice professionnel.
Les 11 écoles dispensant
la formation initiale s'organisent assez différemment ; je vais
donc tenter de résumer de manière générale (et éviter de griller
mon pseudonymat par la même occasion).
Outre les cours, il y a
un pré-stage en cabinet d'avocats à effectuer, précédé de la
prestation dit du « petit serment », et il est possible
de participer au concours de plaidoiries de l'école (et/ou au
concours d'éloquence).
Je vais m'efforcer d'être
le plus objectif sans oublier le récent projet de réforme de la
formation émis par le Conseil National des Barreaux (CNB).
Les
cours fondamentaux stricto sensu
Dans mon école, nous
étudions régulièrement les trois procédures (civile, pénale et
administrative), la déontologie ainsi que la plaidoirie. Nous avons
de façon ponctuelle des cours optionnels. A ce titre nous avons le
choix entre trois parcours : droit des affaires, droit des
personnes et droit public. Ces cours font l'objet d'évaluations. Et enfin, nous étudions la langue de Shakespeare en e-learning !
Avant de commencer l'EDA,
j'ai entendu et lu beaucoup de critiques sur cette formation
professionnelle. Enfin, surtout sur l'EFB... Si certaines sont
certainement exagérées, une réforme de la formation est absolument
nécessaire.
En effet, la qualité des
cours dépend largement de l'intervenant. La plupart sont avocats
(encore heureux) mais tous n'ont pas pris la mesure de l'attente des
élèves ayant subi quatre années minimum de cours à la Fac.
Assez de théorie, nous
voulons de la pratique, des mises en situations, des conseils
pragmatiques !
Ceux qui pensent encore
qu'il est utile à l'EDA de subir des cours académiques et
théoriques se trompent lourdement. Nous avons tous obtenu l'examen
d'entrée et sommes par conséquent tous capables d'ouvrir un
bouquin, de surfer sur une base de données juridiques et
d'appréhender par nous même une matière juridique.
Certains avocats
cependant ont réussi a nous inculquer des réflexes en nous
délivrant des conseils pratiques et/ou en nous entraînant sur des
cas concrets. Ainsi, les cours de plaidoirie ont été très
enrichissant pour moi et je considère qu'ils sont trop peu.
Certains de mes camarades
ont cru considérer au départ que ces cours n'étaient plus si
utiles ; ceci eu égard, d'une part, à l'évolution de la
pratique judiciaire entraînant une augmentation des procédures
écrites ayant pour corollaire une diminution des procédure orales
et, d'autre part, à l'absorption des conseils juridiques. Pourtant,
très vite, ils ont compris que l'on ne plaide pas que devant le juge
mais aussi devant ses clients, son maître de collaboration et ses
associés, ses confrères...
De même, certains
avocats nous ont appris à recevoir un client ou bien à écrire à
celui-ci mais aussi aux confrères et aux adversaires. Ils nous ont
appris comment lire un dossier de façon efficace et notamment
comment repérer rapidement les nullités pénales.
Si les cours de
déontologies ont pu être fastidieux et académiques, il n'en reste
pas moins qu'ils sont un prérequis indispensable pour l'exercice de
la profession d'avocat.
Selon moi, la programme
de cours est à revoir sur le modèle des épreuves du CAPA. Il faut
créer des parcours spécialisés et pourquoi pas des écoles au
moins partiellement spécialisées.
Le pur généraliste est
mort ou est promis à une mort certaine. Notre génération doit
oublier ce mode d'exercice XIX-XXème siècle, tout comme il doit
oublier l'exercice strictement individuel (un cabinet, un avocat). Il
le doit à ses clients car rares sont les génies capables de tout
connaître. Pour appréhender efficacement le Droit actuel, obèse,
il faut se concentrer sur un minimum de domaines.
Bienvenue dans le XXIème
siècle : des avocats spécialisés exerçant collectivement.
Le
petit serment
Nous nous sommes tous
déplacés à la Cour d'appel de notre EDA pour prêter ce petit
serment qui concerne le secret professionnel.
Cela peut paraître
stupide, mais bien que cet événement est très cours il est
extrêmement important et aussi très émouvant.
Il est très important
car le serment d'avocat ne fait pas référence au secret
professionnel, c'est donc ce petit serment en tant qu'élève-avocat
qui, malgré ses termes, nous liera tout au long de notre vie
professionnelle d'avocat.
Il est très émouvant
car c'est un peu le pré-Serment comme l'examen d'entrée est le
pré-CAPA. Tous (plus ou moins) biens habillés nous étions dans la
salle des assises prêt à gravir une marche supplémentaire vers
l'avocature.
Le petit serment fait
l'objet d'une véritable audience publique – avec un Président,
deux Conseillers, un Avocat Général et un Greffier – à l'issue
de laquelle il est dressé un procès-verbal.
Le Président après
avoir déclaré l'audience ouverte, donne la parole à l'Avocat
Général afin qu'il prononce ses réquisitions aux fins de
prestation de serment des élèves-avocat.
Le petit bémol c'est que
le petit serment est prononcé par le Président et non les
élèves-avocat ; en ces termes :
« Je jure de
conserver le secret de tous les faits et actes dont j'aurai eu
connaissance en cours de formation ou de stage ».
Ensuite, chacun notre
tour, nous nous sommes levés à l'appel de notre nom, nous avons
levé la main droite et dit :
« Je le jure ».
Le
stage « découverte » ou « pré-stage »
L'élève-avocat doit dès
les cours fondamentaux effectuer un stage dans un cabinet d'avocats
(ou en dehors s'il le souhaite et justifie d'une expérience en
cabinet).
Ce stage est d'une durée
de deux semaines à six semaines selon les écoles, il me semble.
Ce stage peut permettre
de trouver son stage en cabinet d'avocats de six mois (la troisième
période de la formation professionnelle, dite aussi « stage
final »).
Les écoles sont
organisées différemment mais la plupart permettent d'avoir un stage
en alternance ou un emploi étudiant (le dernier). J'écris « la
plupart » car selon l'organisation des cours cela est plus ou
moins possible, voire parfois interdit (ce qui est proprement
scandaleux). Jeunes CRFPistes, renseignez-vous !
Parlons vrai (c'est à la
mode) et causons donc rémunération (pardon... « gratification ») :
en tant qu'élève-avocat, le stage en cabinet est gratifié selon le
nombre de salariés dans le cabinet (hors avocats et personnel
d'entretien ; donc les juristes, secrétaires et assistants).
Pour information, voici
les montants de la gratification pour un mois de stage à temps
complet :
Outre
l'aspect financier et la prospection du stage final, un stage de six
mois en alternance permet d'acquérir une première expérience non
négligeable. J'écris « première expérience » car le
« statut » de stagiaire est différent selon que l'on est
étudiant ou élève-avocat, ne serait-ce que parce que les avocats
vous considèrent réellement comme leur futur Confrère.
C'est
aussi l'occasion de tester la taille et le type d'organisation de
Cabinet dans lequel on souhaite exercer. L'exercice professionnel
peut en effet être sensiblement différent.
Le
concours de plaidoiries
Chaque
école (ou l'association des élèves-avocat) organise un concours de
plaidoirie et/ou un concours d'éloquence dont le lauréat participe
au concours de plaidoiries des élèves-avocat du Mémorial de CAEN.
Ce concours peut prendre
différentes formes :
- Un discours sur un cas de violation individuelle des droits de l'Homme sur le modèle de la finale nationale à Caen (c'est le cas notamment à RENNES ainsi qu'à BORDEAUX pour la finale régionale) ;
- Une plaidoirie sur la base d'un vrai dossier (c'est le cas notamment à POITIERS) ;
- Un discours sur un sujet type « Conférence du Stage » (c'est le cas notamment pour les sélections à BORDEAUX et à POITIERS il y a un concours d'éloquence en plus du concours de plaidoiries).
Le
projet de réforme du Conseil National des Barreaux
Le
CNB, réuni en assemblée générale les 14 et 15 juin 2013, a décidé
d’adresser à la concertation de la profession un rapport d’étape
de sa Commission formation sur les propositions de réforme de la
formation initiale dispensée par les CRFPA. La résolution du CNB
est consultable ici,
pour le rapport d'étape, il faut malheureusement être avocat pour
le consulter.
Cette résolution porte
sur l'examen d'entrée à l'EDA (j'y reviendrai certainement dans un
prochain billet) sur la formation initiale des avocats ainsi que sur
le système d'allocation de bourses.
Concernant la formation
initiale, voici les modifications souhaitées par le CNB :
- Enseignements strictement consacrés à la pratique professionnelle : Hell Yeah ! ;
- Renforcement du contrôle continu et allègement de l'examen de sortie axés sur la déontologie et la pratique professionnelle : Hip hip hip, Hourra ! ;
- Durée de la formation réduite de 18 à 12 mois (chacune des trois périodes étant par conséquent réduites de 6 à 4 mois). Le PPI deviendrait facultatif ainsi l'élève-avocat aurait le choix entre 4 mois de PPI et 4 mois de stage en cabinet d'avocats ou 8 mois en cabinet d'avocats : A propos de la durée de la formation sur un an, il s'agit d'un retour en arrière... nécessaire ! La formation est actuellement trop longue et place nombre d'élèves-avocat dans une situation financière précaire. De même, rendre le PPI facultatif est absolument nécessaire (j'y reviendrai lors du billet le concernant). Cependant, je suis sceptique sur le le fait d'effectuer un stage en cabinet d'avocats sur uniquement 4 mois. Il me semble que le PPI peut être intéressant dans certains cas et que cela placerait ceux qui opteraient pour cette expérience dans une situation inconfortable : un stage de 4 mois en cabinet est insuffisant. A mon sens, une période de 3 mois de cours à plein temps serait suffisant ; ils pourraient être suivis de 3 mois de PPI (facultatif mais permettant d'en obtenir un gratifié) puis de 6 mois de stage en cabinet d'avocats ;
- Obligation de n'exercer qu'en tant qu'avocat collaborateur (libéral ou salarié) durant un ou deux ans après la prestation de serment sous la responsabilité d'un avocat référent : C'est aussi un retour en arrière sur le modèle de l'ancien « Stage ». Actuellement, il est possible pour un avocat de s'installer après l'obtention du CAPA et sa prestation de serment. Cela est bien entendu quasiment suicidaire. Je ne suis toutefois pas certain qu'obliger les jeunes avocats à trouver un contrat soit la meilleure solution. Cela replace le jeune avocat dans une situation inégalitaire par rapport à ses confrères et si certains veulent tenter leur chance, libres à eux. Surtout, le jeune avocat sera nécessairement moins opérationnel. Cela explique toutefois la limitation du stage en cabinet à 4 mois ;
- Augmentation du plafond d'allocation des bourses : c'est une excellente idée car l'attribution est très restreinte ; ceux l'obtenant étant dans une situation financière très difficile (moins de 7 000 € de revenus – prenant en compte le revenu des parents, même si l'élève est détaché de leur foyer fiscal). Le plafond serait élevé à 12 000 €. Cependant, les frais d'inscription seraient aussi augmentés. Si je suis très favorable à une augmentation de ce plafond ce n'est pas la seule nécessité, il faut créer des paliers ! En effet, actuellement, soit l'élève n'est pas boursier et il paie les frais d'inscription (2 000 € au total - 1 600 € de frais d'inscription auxquels il faut ajouter 200 € de frais de sécurité sociale par an) ; soit l'élève est boursier et il ne paie pas les frais d'inscription et se voit allouer une bourse (2 881,28 € par élève pour l'année 2013). La bourse est la même pour tous. Les étudiants à la limite de ce plafond sont donc placés dans une situation très inégalitaire ; l'augmentation des frais ne fera que renforcer cette inégalité. Il est aussi scandaleux que les élèves-avocat ne puissent pas recevoir de bourses de l'enseignement supérieur alors même que les étudiants viennent de l'Université alors que les étudiants de certaines école de commerce en reçoivent. Alors, oui, je sais, l'EDA est un centre de formation professionnelle et non pas un établissement d'enseignement supérieur diplômant. Il est à mon sens inacceptable que les avocats soient lâchés par l'Etat concernant le financement de la formation, surtout initiale.
Acquisition des
fondamentaux ?
Le paradoxe de l'EDA est
que ce fameux Centre Régional de Formation Professionnelle des
Avocats est trop peu pratique. Il est grand temps de nous donner envie
d'assister aux cours plutôt que de nous y forcer en fliquant notre
présence. Il est grand temps que l'absentéisme ne soit pas
sanctionné par un quelconque stratagème administratif mais par un
« manque à gagner en connaissance ».
Comment se fait-il qu'en
sortant de l'EDA nous ne sachions pas comment se faire payer à l'AJ
(remplir le formulaire, calculer un AJ partiel...), comment
formaliser nos factures d'honoraires, comment effectuer notre
comptabilité... Sans compter tout ce que je vais découvrir dans les
prochains mois... Cela me fait rager d'avance de penser qu'en 6 mois,
j'aurais du apprendre tellement plus !
Nous voulons devenir des
avocats et nous le voulons le plus tôt possible. Oui à la
formation, mais de qualité.
Quoiqu'il en soit, ces
six mois sont une période transitoire entre l'ère universitaire et
l'ère professionnelle ; c'est l'occasion de prendre conscience
du futur métier qui sera le nôtre et du sacerdoce que signifie être
un auxiliaire de Justice. C'est le moment de réaliser que nous entrons réellement dans cette magnifique profession. Savourons ces instants de découvertes... Ne boudons pas notre plaisir ! Nous avons réussis, nous y sommes presque...
A vos marques !
*
Pour aller plus loin :
Merci pour ce billet, j'avais hâte d'avoir de vos nouvelles.
RépondreSupprimerMerci beaucoup, c'est très gentil.
Supprimertrès intéressant et instructif. Bien écrit. Je dois rentrer en janvier sûre Marseille. Des conseils Maître?
RépondreSupprimerDésolé pour la faute d'orthographe j'écris avec téléphone.
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