dimanche 28 juillet 2013

L'Ecole des Avocats : acquisition des fondamentaux ?

La première période de six mois de la formation initiale des avocats débute par des cours afin d'acquérir les fondamentaux de l'exercice professionnel.

Les 11 écoles dispensant la formation initiale s'organisent assez différemment ; je vais donc tenter de résumer de manière générale (et éviter de griller mon pseudonymat par la même occasion).

Outre les cours, il y a un pré-stage en cabinet d'avocats à effectuer, précédé de la prestation dit du « petit serment », et il est possible de participer au concours de plaidoiries de l'école (et/ou au concours d'éloquence).

Je vais m'efforcer d'être le plus objectif sans oublier le récent projet de réforme de la formation émis par le Conseil National des Barreaux (CNB).


Les cours fondamentaux stricto sensu

Dans mon école, nous étudions régulièrement les trois procédures (civile, pénale et administrative), la déontologie ainsi que la plaidoirie. Nous avons de façon ponctuelle des cours optionnels. A ce titre nous avons le choix entre trois parcours : droit des affaires, droit des personnes et droit public. Ces cours font l'objet d'évaluations. Et enfin, nous étudions la langue de Shakespeare en e-learning ! 

Avant de commencer l'EDA, j'ai entendu et lu beaucoup de critiques sur cette formation professionnelle. Enfin, surtout sur l'EFB... Si certaines sont certainement exagérées, une réforme de la formation est absolument nécessaire.

En effet, la qualité des cours dépend largement de l'intervenant. La plupart sont avocats (encore heureux) mais tous n'ont pas pris la mesure de l'attente des élèves ayant subi quatre années minimum de cours à la Fac.

Assez de théorie, nous voulons de la pratique, des mises en situations, des conseils pragmatiques !

Ceux qui pensent encore qu'il est utile à l'EDA de subir des cours académiques et théoriques se trompent lourdement. Nous avons tous obtenu l'examen d'entrée et sommes par conséquent tous capables d'ouvrir un bouquin, de surfer sur une base de données juridiques et d'appréhender par nous même une matière juridique.

Certains avocats cependant ont réussi a nous inculquer des réflexes en nous délivrant des conseils pratiques et/ou en nous entraînant sur des cas concrets. Ainsi, les cours de plaidoirie ont été très enrichissant pour moi et je considère qu'ils sont trop peu.

Certains de mes camarades ont cru considérer au départ que ces cours n'étaient plus si utiles ; ceci eu égard, d'une part, à l'évolution de la pratique judiciaire entraînant une augmentation des procédures écrites ayant pour corollaire une diminution des procédure orales et, d'autre part, à l'absorption des conseils juridiques. Pourtant, très vite, ils ont compris que l'on ne plaide pas que devant le juge mais aussi devant ses clients, son maître de collaboration et ses associés, ses confrères...

De même, certains avocats nous ont appris à recevoir un client ou bien à écrire à celui-ci mais aussi aux confrères et aux adversaires. Ils nous ont appris comment lire un dossier de façon efficace et notamment comment repérer rapidement les nullités pénales.

Si les cours de déontologies ont pu être fastidieux et académiques, il n'en reste pas moins qu'ils sont un prérequis indispensable pour l'exercice de la profession d'avocat.

Selon moi, la programme de cours est à revoir sur le modèle des épreuves du CAPA. Il faut créer des parcours spécialisés et pourquoi pas des écoles au moins partiellement spécialisées.

Le pur généraliste est mort ou est promis à une mort certaine. Notre génération doit oublier ce mode d'exercice XIX-XXème siècle, tout comme il doit oublier l'exercice strictement individuel (un cabinet, un avocat). Il le doit à ses clients car rares sont les génies capables de tout connaître. Pour appréhender efficacement le Droit actuel, obèse, il faut se concentrer sur un minimum de domaines.

Bienvenue dans le XXIème siècle : des avocats spécialisés exerçant collectivement.


Le petit serment

Nous nous sommes tous déplacés à la Cour d'appel de notre EDA pour prêter ce petit serment qui concerne le secret professionnel.

Cela peut paraître stupide, mais bien que cet événement est très cours il est extrêmement important et aussi très émouvant.

Il est très important car le serment d'avocat ne fait pas référence au secret professionnel, c'est donc ce petit serment en tant qu'élève-avocat qui, malgré ses termes, nous liera tout au long de notre vie professionnelle d'avocat.

Il est très émouvant car c'est un peu le pré-Serment comme l'examen d'entrée est le pré-CAPA. Tous (plus ou moins) biens habillés nous étions dans la salle des assises prêt à gravir une marche supplémentaire vers l'avocature.

Le petit serment fait l'objet d'une véritable audience publique – avec un Président, deux Conseillers, un Avocat Général et un Greffier – à l'issue de laquelle il est dressé un procès-verbal.

Le Président après avoir déclaré l'audience ouverte, donne la parole à l'Avocat Général afin qu'il prononce ses réquisitions aux fins de prestation de serment des élèves-avocat.

Le petit bémol c'est que le petit serment est prononcé par le Président et non les élèves-avocat ; en ces termes :

« Je jure de conserver le secret de tous les faits et actes dont j'aurai eu connaissance en cours de formation ou de stage ».

Ensuite, chacun notre tour, nous nous sommes levés à l'appel de notre nom, nous avons levé la main droite et dit :

« Je le jure ».


Le stage « découverte » ou « pré-stage »

L'élève-avocat doit dès les cours fondamentaux effectuer un stage dans un cabinet d'avocats (ou en dehors s'il le souhaite et justifie d'une expérience en cabinet).

Ce stage est d'une durée de deux semaines à six semaines selon les écoles, il me semble.

Ce stage peut permettre de trouver son stage en cabinet d'avocats de six mois (la troisième période de la formation professionnelle, dite aussi « stage final »).

Les écoles sont organisées différemment mais la plupart permettent d'avoir un stage en alternance ou un emploi étudiant (le dernier). J'écris « la plupart » car selon l'organisation des cours cela est plus ou moins possible, voire parfois interdit (ce qui est proprement scandaleux). Jeunes CRFPistes, renseignez-vous !

Parlons vrai (c'est à la mode) et causons donc rémunération (pardon... « gratification ») : en tant qu'élève-avocat, le stage en cabinet est gratifié selon le nombre de salariés dans le cabinet (hors avocats et personnel d'entretien ; donc les juristes, secrétaires et assistants).

Pour information, voici les montants de la gratification pour un mois de stage à temps complet :



Outre l'aspect financier et la prospection du stage final, un stage de six mois en alternance permet d'acquérir une première expérience non négligeable. J'écris « première expérience » car le « statut » de stagiaire est différent selon que l'on est étudiant ou élève-avocat, ne serait-ce que parce que les avocats vous considèrent réellement comme leur futur Confrère.

C'est aussi l'occasion de tester la taille et le type d'organisation de Cabinet dans lequel on souhaite exercer. L'exercice professionnel peut en effet être sensiblement différent.


Le concours de plaidoiries

Chaque école (ou l'association des élèves-avocat) organise un concours de plaidoirie et/ou un concours d'éloquence dont le lauréat participe au concours de plaidoiries des élèves-avocat du Mémorial de CAEN.

Ce concours peut prendre différentes formes :
  • Un discours sur un cas de violation individuelle des droits de l'Homme sur le modèle de la finale nationale à Caen (c'est le cas notamment à RENNES ainsi qu'à BORDEAUX pour la finale régionale) ;
  • Une plaidoirie sur la base d'un vrai dossier (c'est le cas notamment à POITIERS) ;
  • Un discours sur un sujet type « Conférence du Stage » (c'est le cas notamment pour les sélections à BORDEAUX et à POITIERS il y a un concours d'éloquence en plus du concours de plaidoiries).


Le projet de réforme du Conseil National des Barreaux

Le CNB, réuni en assemblée générale les 14 et 15 juin 2013, a décidé d’adresser à la concertation de la profession un rapport d’étape de sa Commission formation sur les propositions de réforme de la formation initiale dispensée par les CRFPA. La résolution du CNB est consultable ici, pour le rapport d'étape, il faut malheureusement être avocat pour le consulter.

Cette résolution porte sur l'examen d'entrée à l'EDA (j'y reviendrai certainement dans un prochain billet) sur la formation initiale des avocats ainsi que sur le système d'allocation de bourses.

Concernant la formation initiale, voici les modifications souhaitées par le CNB :

  1. Enseignements strictement consacrés à la pratique professionnelle : Hell Yeah ! ;

  2. Renforcement du contrôle continu et allègement de l'examen de sortie axés sur la déontologie et la pratique professionnelle : Hip hip hip, Hourra ! ;

  3. Durée de la formation réduite de 18 à 12 mois (chacune des trois périodes étant par conséquent réduites de 6 à 4 mois). Le PPI deviendrait facultatif ainsi l'élève-avocat aurait le choix entre 4 mois de PPI et 4 mois de stage en cabinet d'avocats ou 8 mois en cabinet d'avocats : A propos de la durée de la formation sur un an, il s'agit d'un retour en arrière... nécessaire ! La formation est actuellement trop longue et place nombre d'élèves-avocat dans une situation financière précaire. De même, rendre le PPI facultatif est absolument nécessaire (j'y reviendrai lors du billet le concernant). Cependant, je suis sceptique sur le le fait d'effectuer un stage en cabinet d'avocats sur uniquement 4 mois. Il me semble que le PPI peut être intéressant dans certains cas et que cela placerait ceux qui opteraient pour cette expérience dans une situation inconfortable : un stage de 4 mois en cabinet est insuffisant. A mon sens, une période de 3 mois de cours à plein temps serait suffisant ; ils pourraient être suivis de 3 mois de PPI (facultatif mais permettant d'en obtenir un gratifié) puis de 6 mois de stage en cabinet d'avocats ;

  4. Obligation de n'exercer qu'en tant qu'avocat collaborateur (libéral ou salarié) durant un ou deux ans après la prestation de serment sous la responsabilité d'un avocat référent : C'est aussi un retour en arrière sur le modèle de l'ancien « Stage ». Actuellement, il est possible pour un avocat de s'installer après l'obtention du CAPA et sa prestation de serment. Cela est bien entendu quasiment suicidaire. Je ne suis toutefois pas certain qu'obliger les jeunes avocats à trouver un contrat soit la meilleure solution. Cela replace le jeune avocat dans une situation inégalitaire par rapport à ses confrères et si certains veulent tenter leur chance, libres à eux. Surtout, le jeune avocat sera nécessairement moins opérationnel. Cela explique toutefois la limitation du stage en cabinet à 4 mois ;

  5. Augmentation du plafond d'allocation des bourses : c'est une excellente idée car l'attribution est très restreinte ; ceux l'obtenant étant dans une situation financière très difficile (moins de 7 000 € de revenus – prenant en compte le revenu des parents, même si l'élève est détaché de leur foyer fiscal). Le plafond serait élevé à 12 000 €. Cependant, les frais d'inscription seraient aussi augmentés. Si je suis très favorable à une augmentation de ce plafond ce n'est pas la seule nécessité, il faut créer des paliers ! En effet, actuellement, soit l'élève n'est pas boursier et il paie les frais d'inscription (2 000 € au total - 1 600 € de frais d'inscription auxquels il faut ajouter 200 € de frais de sécurité sociale par an) ; soit l'élève est boursier et il ne paie pas les frais d'inscription et se voit allouer une bourse (2 881,28 € par élève pour l'année 2013). La bourse est la même pour tous. Les étudiants à la limite de ce plafond sont donc placés dans une situation très inégalitaire ; l'augmentation des frais ne fera que renforcer cette inégalité. Il est aussi scandaleux que les élèves-avocat ne puissent pas recevoir de bourses de l'enseignement supérieur alors même que les étudiants viennent de l'Université alors que les étudiants de certaines école de commerce en reçoivent. Alors, oui, je sais, l'EDA est un centre de formation professionnelle et non pas un établissement d'enseignement supérieur diplômant. Il est à mon sens inacceptable que les avocats soient lâchés par l'Etat concernant le financement de la formation, surtout initiale. 


Acquisition des fondamentaux ?

Le paradoxe de l'EDA est que ce fameux Centre Régional de Formation Professionnelle des Avocats est trop peu pratique. Il est grand temps de nous donner envie d'assister aux cours plutôt que de nous y forcer en fliquant notre présence. Il est grand temps que l'absentéisme ne soit pas sanctionné par un quelconque stratagème administratif mais par un « manque à gagner en connaissance ».

Comment se fait-il qu'en sortant de l'EDA nous ne sachions pas comment se faire payer à l'AJ (remplir le formulaire, calculer un AJ partiel...), comment formaliser nos factures d'honoraires, comment effectuer notre comptabilité... Sans compter tout ce que je vais découvrir dans les prochains mois... Cela me fait rager d'avance de penser qu'en 6 mois, j'aurais du apprendre tellement plus !

Nous voulons devenir des avocats et nous le voulons le plus tôt possible. Oui à la formation, mais de qualité.

Quoiqu'il en soit, ces six mois sont une période transitoire entre l'ère universitaire et l'ère professionnelle ; c'est l'occasion de prendre conscience du futur métier qui sera le nôtre et du sacerdoce que signifie être un auxiliaire de Justice. C'est le moment de réaliser que nous entrons réellement dans cette magnifique profession. Savourons ces instants de découvertes... Ne boudons pas notre plaisir ! Nous avons réussis, nous y sommes presque...

A vos marques !


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Pour aller plus loin :

4 commentaires:

  1. Merci pour ce billet, j'avais hâte d'avoir de vos nouvelles.

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  2. très intéressant et instructif. Bien écrit. Je dois rentrer en janvier sûre Marseille. Des conseils Maître?

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  3. Désolé pour la faute d'orthographe j'écris avec téléphone.

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